Le langage de la matière

Le langage de la matière

L’espace du dedans et le monde

L’espace du dedans, chez Henri Michaux désigne-il ce qui est contenu à l’intérieur de nos peaux : organes, liquides, chairs, os et autres éléments plus petits ?

Notre corps s’exprime dans son langage et je cherche à le comprendre. L’objet sculpté, lui, est semblable au miroir. Mon travail est un dialogue sans parole, entre mon corps et l’objet. Je cherche à comprendre sa structure et son fonctionnement et à construire mon histoire, en reflet.

J’ai longtemps ressenti l’enfermement. Et bien que les interactions sensorielles entre le corps et le monde ne se soient jamais interrompues, la difficulté de dire l’intensité de mon ressenti, m’a poussée à chercher une autre voie, celle de la matière, et celle-ci répond.

La matière n’est pas ma langue maternelle, elle ne m’a pas été donnée par un milieu familial ni social. Ma langue maternelle n’est d’ailleurs ni le coréen que je n’ai jamais parlé, ni le français qui m’échappe sans cesse. La matière est ma langue première. Il y a eu une rencontre avec le fil, je m’en souviens. C’est un matériau qui dit « je fais le lien » entre deux choses séparées par une frontière ou par un vide.

Les évènements s’inscrivent dans nos cellules, ils laissent des traces, comme des coups de couteau. Les objets donnent à voir l’invisible dans toute son horreur, dans mon cas ce sont des morceaux de soi, brisé, l’enfermement à l’intérieur d’une masse grouillante et immense d’orphelins désespérés, seuls, noyés dans les ténèbres.

Je vois des frontières partout. La difficulté des communications entre les êtres et les choses m’interpelle. Je recherche les connexions. Chaque détail de broderie, chaque point, chaque pli, mérite, lui, d’être apprécié pour sa précision et sa richesse. Le recul face aux œuvres permet de les connecter et d’entreprendre s’il on veut une déambulation du regard parmi elles.

Paris, janvier 2024